Ne partageant pas exactement l’analyse proposée par Severin Naudet dans son billet « Barbarin contre les Barbares », voici quelques commentaires qui me semblent utiles pour éviter un travestissement des positions citées. En BLEU le texte de Severin Naudet. En NOIR mes commentaires ou des citations.
Philippe Barbarin et André Vingt-Trois sont partis en croisade. Sabre au clair, ils ne laisseront pas faire ces barbares qui veulent changer le droit, l’adapter à la réalité de notre société. Ces barbares ce sont les élus du peuple, mais cela a peu d’importance aux yeux de ceux qui, cet été, ont appelé la Vierge au chevet d’une France moralement malade.
Technique de la redéfinition avec l’emploi du mot « barbares » puisque je ne pense pas que ce soit simplement une utilisation de l’allitération comme figure de style pour faire un joli titre. Le lecteur est censé comprendre que bien que Philippe Barbarin et André Vingt-Trois n’aient aucunement employé le terme de barbare c’est bien le fond de leur pensée. Ils auraient donc bien peu de considération pour les élus du peuple.
Voici un extrait des positions de Philippe Barbarin (« Toute personne doit être respectée dans ce qu’elle est et dans ce qu’elle vit ») qui conduit bien entendu à une toute autre interprétation que celle distillée:
Il a ensuite demandé que ce projet de loi soit l’objet d’un large débat. En effet il s’agit d’ « un sujet qui nous concerne tous. On ne peut pas faire une loi sans consulter les Français, si on est en démocratie (…). Sur un sujet aussi profond et qui touche à ce point tout le monde, il faut vraiment donner la parole à tous les citoyens. »
Il ne s’agit en aucun cas de manquer de respect aux hommes et aux femmes qui réclament le mariage pour les couples du même sexe, rassure le Cardinal Barbarin, mais la doctrine de la foi est très claire, le mariage est fait pour procréer, et protéger la famille ainsi fondée. C’est son objet : il est intangible et sacré.
Ici par contre les propos sont retranscrits fidèlement, si j’ose dire 😉
Joseph Ratzinguer ne voulait sans doute pas non plus manquer de respect à ces hommes et à ces femmes lorsqu’il expliquait en 1986 que « l’inclination particulière de la personne homosexuelle constitue une tendance, plus ou moins forte, vers un comportement intrinsèquement mauvais du point de vue moral». Les Evêques de France, de même, ne publiaient par seul souci pédagogique dans le « Catéchisme pour adultes », en 1991, que « l’homosexualité est une déviation objectivement grave » et « qu’une société qui prétend reconnaître l’homosexualité comme une chose normale est elle-même malade de ses confusions».
A nouveau les propos retranscrits sont exacts. Cependant, l’église prend bien plus de précautions et les remettre dans leur contexte est utile, voici un lien pertinent. Pour autant je comprends parfaitement que cette position de l’Eglise puisse choquer. Mais ne pas citer ce que dit le même catéchisme à propos des homosexuels tronque la position exacte:« Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste ».
Il n’est, dans cet esprit, pas très surprenant que l’archevêque de Lyon confonde aujourd’hui inceste, polygamie et homosexualité.
C’est FAUX. Le mot de polygamie n’a même pas été prononcé. Critiquer les propos de quelqu’un suppose de les avoir lus ou entendus. Se baser sur des retranscriptions erronées n’est pas sérieux, c’est malhonnête intellectuellement.
L’Eglise de France s’est lancée corps et âme dans un combat d’arrière-garde dont elle a le secret, elle qui a été si souvent le dernier rempart de l’ordre moral le plus rétrograde. Depuis le tribunal de l’Inquisition qui condamna Galilée à la prison pour idées contraires aux écritures saintes en 1633 jusqu’à Jean-Paul II qui lors d’une allocution sur les origines de la vie, le 22 octobre 1996 à l’Académie pontificale des sciences considérait ex-cathedra « les théories de l’évolution incompatibles avec la vérité de l’homme ».
Je serais tenté de dire à l’auteur que celui qui n’a jamais pêché jette la 1ere pierre.
Concernant les propos de Jean-Paul II une citation tronquée et sortie de son contexte lui permet de modifier (à dessein ?) le sens exact qui est bien plus nuancé. Voici comment Wikipédia présente les propos évoqués de façon plus complète
Il y déclare que « près d’un demi-siècle après la parution de l’Encyclique (Humani generis), de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse », nuançant en précisant qu’il faut parler davantage pour ces variations de théories de l’évolution.
Par ailleurs, il affirme que certaines d’entre elles « qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière, sont incompatibles avec la vérité de l’homme »5.
Les mots de Philippe Barbarin sont blessants, pour beaucoup d’hommes et de femmes. Plus grave, ils sont dangereux parce qu’ils constituent potentiellement une incitation à la haine. Il est donc du devoir de nos responsables politiques, de droite comme de gauche, de les condamner clairment. A ce stade le silence est presque assourdissant.
Encore faudrait-il qu’il ait prononcé les mots qui lui sont ici attribués à tort. Voici un article « Que personne ne soit jugé, que tous soient aimés » qui relate la rencontre de Monseigneur Barbarin avec différentes associations, relu et validé par les protagnistes notamment par les associations lyonnaises gaies, lesbiennes et transsexuelles. Même si cela date de 2009, on peut tout de même penser que Monseigneur Barbarin n’est pas homme à donner dans l’incitation à la haine. Il faut ne pas avoir fait l’effort d’avoir vérifié ses propos exacts et ne pas s’être donné la peine de se renseigner sur ses positions habituelles.
Il est aussi de leur devoir de condamner les attaques répétées de ce Prince de l’Eglise contre la République. Le Primat des Gaules n’a de cesse de remettre en question la légitimité du Parlement en lui opposant « l’Inerrance biblique” : « La première page de la Bible » contre « les décisions circonstancielles ou passagères d’une Parlement ». Sans doute fait-il référence à l’abolition des privileges ou de la peine de mort… Peut-être n’est-il pas toujours bon que le Parlement décide de tout, particulièrement s’agissant de nos vies privés ; il semble en revanche sage que l’Eglise soit tenue à bonne distance de la République lorsque cette dernière s’apprête à légiférer sur ces mêmes sujets.
De quelles attaques répétées contre la République Monsieur Barbarin s’est-il rendu coupable ? Les responsables de l’Eglise n’ont-ils plus le droit d’appeller leurs fidèles à prier ? Le contenu de ses prières est-il devenu répréhensible ? Il n’est plus autorisé en France d’influer sur des décisions qui n’ont justement pas encore été prises ?
Pour que l’Eglise puisse être retrograde encore faudrait-il attendre que la loi soit votée par les élus du peuple, on pourra alors considérer que l’Eglise souhaiterait revenir à la situation antérieure. A ce jour, la position de la société, au travers de ses représentants élus, est que le mariage est possible entre deux personnes de sexes différents. Cet ordre moral rétrograde dont parle l’auteur, c’est pour l’instant ce que la société a choisi. Pour autant, je rassure certains lecteurs, il ne m’a pas échappé que le sujet faisait débat et même qu’un président élu avait inscrit dans son programme de faire changer cette situation.
Le débat si important, sensible et complexe sur le mariage entre personnes de même sexe mérite mieux qu’un anti cléricalisme mal dissimulé sous des couverts de défense d’une laïcité mal comprise. Il y a de vrais arguments de fonds qui peuvent être échangés. Espérons que ce débat aura lieu, la société dans son ensemble aura beaucoup à y gagner.