José Bové a finalement décidé de se porter candidat à l’Elysée, s’appuyant notamment sur la pétition électronique forte de plus de 30 000 signataires qui l’invitait à se lancer dans la course.
Avec les débats participatifs et le site Désirs d’avenir, Ségolène Royal a bien compris la tendance qui sous-tend le web 2.0 : l’internaute citoyen est devenu acteur ; le citoyen veut désormais participer à la construction du projet, que ce soit on line ou dans un prolongement non virtuel avec des réunions en chair et en os.
Mais José Bové ira peut-être plus loin encore, car ses différents soutiens ont plus qu’une présence forte sur la toile : ils ont une véritable culture du réseau. La plupart des collectifs, syndicalistes, militants associatifs qui le soutiennent fonctionnent depuis des années en réseau, et érigent ce mode de fonctionnement en principe d’organisation.
La pétition pour le retour de José Bové dans la course présidentielle est d’ailleurs partie d’Indymedia Marseille, réseau phare de l’altermondialisme on line, dès le lendemain de l’annonce de son vrai / faux retrait, le 24 novembre. D’autres pétitions sur le même modèle sont apparues, et toutes ont finalement fusionné dans le site unisavecbove.org, avec le succès que l’on sait. Mais ce sont les soutiens de deux intellectuels, Michel Onfray et Yannis Youlountas, puis d’Etienne Chouard qui ont permis le décollage de l’initiative en ligne[2]. Onfray et Youlountas écrivent ainsi: « La réappropriation politique par les électrons libres, vigilants à l’égard des appareils politiques, est même sur le point d’aboutir à la constitution d’un vaste réseau : les CIELs. Lancés par la coordination des Initiatives des Électrons Libres avec José Bové, en partenariat avec le site unisavecbove.org. Le but est d’ouvrir des « CIELs » un peu partout : Collectes d’Initiatives Enthousiastes et Libres, pour une campagne créative, participative et festive.« [3] Si le sens même de la phrase n’y suffisait pas, les expressions et concepts utilisés montrent clairement que la campagne en ligne de José Bové ne sera pas traditionnelle !
Le positionnement de José Bové contraste avec les stratégies poursuivies par le PS et l’UMP. En s’appuyant notamment sur internet, Ségolène Royal a quelque peu court-circuité l’appareil socialiste, et ce contournement pourrait laisser sceptiques nombre de dirigeants et de militants du Parti. Quant à l’UMP, désormais totalement unie derrière Sarkozy, sa culture hiérarchique n’est pas favorable à l’éclosion d’initiatives individuelles. A l’inverse, José Bové pourra s’appuyer sur un dense maillage de sites alternatifs, ce qui lui permettra d’obtenir très rapidement un excellent positionnement dans le moteur de recherche incontournable qu’est Google, là où les grandes formations doivent payer de la publicité.
Pour José Bové, l’enjeu est maintenant, comme pour tous les candidats, de savoir s’il va réussir grâce au web à élargir son électorat. Reproduire le phénomène du référendum sur la constitution européenne en 2004 qui avait vu un « non » clairement affirmé, uni, s’exprimer en ligne pendant que les médias traditionnels plaidaient pour le « oui » serait pour Bové le scénario idéal. Pour en arriver là, les 30 000 pétitionnaires qui ont soutenu la candidature Bové devront d’abord démontrer leur capacité à réunir les indispensables 500 signatures d’élus, signatures cette fois-ci non virtuelles.
[2] Sur cette floraison de pétitions, voir la fin de ce long billet ; sur le déroulement des premiers jours de la pétition, cette brève dans Libération ; voir enfin la pétition originale avec la liste des premiers signataires
[3] « Peut-on être libertaire et soutenir la candidature de Bové« , Politis – février 2007)